06/08/2009

Interview du candidat au journal Solidarité

INTERVIEW

Accordée par Monsieur Elois ANGUIMATE à l’Hebdomadaire SOLIDARITE le 02 août 2009

HS : Dans un communiqué de presse publié en fin mars 2009, vous annonciez votre candidature à la prochaine présidentielle et dénoncez la politique du « ventre » entretenue par « des charlatans de la politique ». Voulez-vous dire que le Centrafrique souffre d’une absence de dirigeants capables et sincères ?

AE : Si vous me posez cette question, c’est très certainement parce que vous croyez en votre for intérieur qu’il en existe de capables et de sincères. Si tel est le cas, je ne m’explique pas qu’avec tous les atouts dont la généreuse nature nous a fait grâce, avec une population aussi jeune et une culture aussi riche et variée, notre pays soit à la traîne et occupe le non moins reluisant 172e rang sur 175 selon l’Indice de Développement Humain dressé par les Nations-Unies, le 1er rang des pays de la région Afrique centrale infecté par le VIH/SIDA, le 10e rang mondial des pays atteints par cette même pandémie. Les chiffres parlent d’eux-mêmes et notre population n’en est pas ignorante, elle que personne du reste n’écoute mais qu’on s’emploie frénétiquement à acheter en ce moment à travers les campagnes économiques qui n’ont rien d’économiques, la mise en place des organes d’une structure qui n’a rien d’officiel et d’étatique mais qui en a tout l’air.

HS : Après la chute du régime Patassé en mars 2003, vous êtes reparti en France où vous observiez, pendant plusieurs années, un grand silence face à tous les problèmes sociopolitiques qu’a connus le Centrafrique. Qu’est-ce qui explique ce grand mutisme ?

AE : Fallait-il que je hurle avec les loups pour trouver grâce à vos yeux ? Qu’ont apporté concrètement à la donne ces battages médiatiques dont certains se servent pour exister ? J’ai en son temps signé l’appel pour la tenue du dialogue politique inclusif. De quoi a accouché ce dialogue de décembre 2008 si ce n’est à la reprise des hostilités entre forces gouvernementales et rebelles ? Ce n’est pas moi qui le dis mais un adage populaire plein de bon sens : les tonneaux vides font beaucoup plus de bruit que les tonneaux remplis. On peut faire beaucoup pour son pays sans hurler et c’est ce que j’ai fait pendant ce laps de temps. J’ai travaillé à mieux faire connaître notre pays dans le milieu où j’étais et à le faire apprécier. Pour preuve : je suis invité à animer avec le Ministre Jean-Claude KAZAGUI d’ici le début du mois de septembre 2009 une conférence sur notre pays à l’initiative d’Associations Centrafricaines basées en France. N’est-ce pas là une importante contribution à la résolution des problèmes centrafricains que vous évoquez ? Ce grand mutisme était très bruyant que vous ne le croyez. Il m’a permis de réfléchir plus en profondeur sur la nature des problèmes qui minent notre cohésion nationale et la menacent d’implosion. Il m’a permis de me déterminer aujourd’hui en tant que candidat à l’élection présidentielle de 2010 en connaissance de cause et de proposer aux centrafricains, mes compatriotes, ce projet de société que j’ai intitulé « Pacte présidentiel pour la paix et la prospérité », qui n’est autre que la solution globale de sortie de la crise que nous traversons.

HS : Quel regard portez-vous sur la gestion de la crise militaro-politique par le régime actuel ?

AE : La gestion de la crise militaro-politique par l’actuel régime n’est pas suffisante. Elle ne va pas plus loin pour apaiser les tensions persistantes et créer la confiance entre les fils et les filles du Centrafrique meurtri. Nous avons des tâches plus ardues qui nous attendent : la bataille du développement et, plus urgente, à notre frontière avec le Soudan et le Congo Démocratique, la menace LRA qu’il nous faut à tout prix éradiquer. Notre pays court irrémédiablement vers sa « somalisation » si nous n’y faisons pas attention.

HS : Que lui diriez-vous si le général François Bozizé vous demandait de lui prodiguer un conseil pour la sortie de la crise actuelle ?

AE : Le général François Bozizé est intelligent et doué pour savoir ce qu’il faut faire en pareille circonstance. Aussi me garderai-je de lui donner un conseil. Ambassadeur de Paix que je suis, je reste néanmoins persuadé que tendre la main le premier à son adversaire n’est pas toujours signe de faiblesse et que « la paix n’a pas de prix » pour reprendre une expression chère au défunt président Omar Bongo Ondimba. Aujourd’hui plus que jamais, notre pays aspire à la paix pour consacrer ses efforts à l’œuvre d’édification d’un Etat centrafricain moderne, démocratique et prospère. Cela est possible. Cela est faisable. Il ne tient qu’à nous de le réaliser : gouvernants et non gouvernants.

HS : Dans votre programme de société, vous fustigiez, entre autres, les exactions sommaires perpétrées par les hommes treillis et suggérez la mise en place d’une armée « au service du développement ». Quels sont les atouts dont vous disposez pour restructurer cette grande muette devenue intraitable ces derniers temps ?

AE : Si notre armée est détournée de sa mission première qui est celle de défendre notre pays et de nous protéger, ce n’est pas de son propre fait mais celui de ces successifs chefs qui, devenus Chef de l’Etat au demeurant, lui ont toujours tourné le dos et l’ont jetée aux ornières.

A ère nouvelle, nouveau comportement. 2010 consacrera le retour définitif à une gestion orthodoxe de l’Etat et de l’administration. Notre armée, qui a connu ses heures de gloire et fait notre fierté à une époque récente de notre histoire, réintégrera la caserne d’où elle n’aurait jamais dû en sortir si ce n’est pour défendre notre territoire et nous protéger contre l’envahisseur extérieur s’il y en a. C’est en vertu de notre Constitution que je lui assignerai en tant que président de la république, en plus de sa mission traditionnelle, deux missions supplémentaires : celle d’être une armée de paix à travers le monde et une armée qui contribue comme tous les autres corps de l’Etat au développement de notre pays et de notre peuple.

HS : Votre parti, la Convention Nationale, s’est depuis longtemps effacé de la scène politique. Avez-vous l’intention de le ressusciter ou serez-vous candidat indépendant aux élections de 2010 ?

AE : La convention Nationale connaît sa crise de maturité. Je lui souhaite d’en vite sortir et de reprendre sa place au sein des partis qui comptent sur l’échiquier national. Je reste, quant à moi, un fervent militant de ce parti dont je suis encore le président en attendant la tenue du Congrès qui mettra en place le nouveau bureau dont je ne ferai pas partie.

Il ne fait l’ombre d’aucun doute que je suis candidat indépendant à l’élection présidentielle de 2010 comme cela est clairement stipulé dans mon communiqué de presse du 25 mars 2009. Je le suis par devoir parce que la situation de crise que traverse notre pays l’impose.

HS : Si le scénario de 2005 se reproduisait (François Bozizé et Martin Ziguélé au second tour), qui soutiendriez-vous ?

AE : Je me garderai de vous faire un faux-procès quand bien même votre question tendancieuse et pernicieuse m’y pousse. En effet, votre question laisse supposer en filigrane que le jeu est déjà fait et que les autres candidats sont des faire-valoir. Sur quoi vous fondez-vous pour avancer cette hypothèse à tout le moins invraisemblable dans un contexte où le jeu démocratique est encore ouvert et n’a pas produit tous ses effets ? Ce qui m’importe aujourd’hui et demain, ce n’est pas un nom, mais le sort des centrafricains, de chaque centrafricain. Autrement dit, ce qui déterminera mon choix sera la réponse satisfaisante que les éventuels candidats au second tour apporteront aux nombreux problèmes et défis qui se posent aux centrafricains.

HS : Nous vous remercions .

AE : C’est à moi de vous remercier pour l’occasion que vous m’avez offerte à travers vos colonnes pour m’adresser à nos compatriotes. Je les retrouverai très bientôt au cours de la conférence de presse que je me propose d’organiser pour leur parler de mon projet de société qui est au cœur de la campagne.