24/09/2009

LA REPUBLIQUE CENTRAFRICAINE à L’HORIZON 2020*

De Martin Ziguélé

Située au cœur du continent africain et entièrement enclavée, la République Centrafricaine avec 623.000 km2 de superficie partage ses frontières avec cinq pays, notamment au nord le Tchad sur 1.197 km, à l’est le Soudan sur 1.165 kms, dans son flanc sud le Congo sur 467 kms et la République Démocratique du Congo sur 1090 kms , et enfin à l’ouest le Cameroun sur plus de 600 kms, et dont le port de Douala constitue l’accès le plus proche à la mer.

Ancienne colonie française sous le nom de « Territoire de l’Oubangui Chari », la République Centrafricaine est proclamée le 1er décembre 1958 sous l’impulsion de l’Abbé Barthélemy BOGANDA, député Oubanguien au Parlement français, décédé le 29 août 1959 dans un accident d’avion moins d’une année avant l’indépendance formelle du pays proclamée le 13 août 1960.

CARTE DE LA REPUBLIQUE CENTRAFRICAINE

Membre du club peu envié des Pays les Moins Avancés, et classé au 171ème rang mondial sur 177 pays à l’Indice de Développement Humain (IDH) du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), ce territoire plus grand que la France est quasiment sous peuplé car avec environ 4 millions d’habitants il n’a qu’une densité de 6,8 habitants au km2.

La population centrafricaine est aujourd’hui très pauvre : l’incidence de la pauvreté y est de 67% en 2006, c’est à dire que 67 % de la population vit avec moins d’un dollar par jour, soit 72% de la population en milieu rural et 60 % en milieu urbain. Le PIB par tête d’habitant est de 401,5 USD en 2007, selon les estimations du PNUD.

Paradoxalement à l’extrême pauvreté des ses habitants, le pays regorge d’inestimables richesses minières (diamant, or, uranium et indices de pétrole et de fer), d’immenses potentialités agricoles (15 millions d’hectares de terres arables, soit près de 4 hectares disponibles par habitant, notamment dans le nord-ouest et le centre, principaux bassins agricoles des cultures de coton et cannes à sucre), d'abondantes réserves de bois tropicaux, ainsi que d’importantes ressources hydrographiques dont l’exploitation judicieuse pourrait faire de la République centrafricaine à la fois le grenier et le grand vivier de l’Afrique.

Il est vrai que plusieurs années de mauvaise gestion, de troubles politiques internes, ponctuées par une rébellion militaire et plusieurs mouvements de rébellions politico-militaires, ont très fortement réduit les capacités du pays, et diminué son attrait pour la communauté internationale. Cependant, le retour à la paix, s’il se confirme après le Dialogue Politique Inclusif qui vient de s’achever à Bangui, permettra au pays de se consacrer à son développement par la mise en valeur de ces opportunités.

D’ailleurs à elle seule, l’exploitation des mines d’uranium dans l’Est du pays, concédées à la société française Areva, aura des effets d’entraînement sur d’autres secteurs d’activités dans le pays, améliorera les infrastructures de transport, et permettra de penser à terme à une centrale nucléaire qui pourra vendre de l’énergie aux pays voisins.

En effet, l’uranium constituant une source énergétique à grande capacité, outre la production d’électricité, qui sera la principale activité relevant de l’extraction de l’uranium, plusieurs autres utilisations découlent de la transformation de ce minerai, notamment dans les domaines de la médecine et de l’agro-alimentaire, constituant autant de filières de développement du pays avec des avantages comparatifs certains.

L’énergie étant désormais une exigence planétaire, omniprésente dans tous les secteurs d’activité à travers le monde, la disponibilité en RCA[1] de grandes ressources énergétiques d’origine uranifère et hydrographique sont donc pour notre pays un atout majeur sur le triple plan politique, économique et social.

Sur le plan strictement agricole, la RCA peut devenir à l’horizon 2020 un véritable grenier pour l’Afrique, en exportant des surplus agricoles vers le Tchad, le Soudan, l’Ethiopie et même l’Erythrée, qui sont tous des pays structurellement déficitaires sur le plan agricole : les bonnes terres sont là, l’eau est là à profusion, il faut juste des capitaux, des semences et des bras qualifiés et expérimentés. Lorsque j’étais Premier Ministre, c’est cette opportunité que je voulais mettre immédiatement en valeur en invitant, lors d’une émission sur la chaîne de radiotélévision anglaise BBC les fermiers blancs expulsés du Zimbabwe à venir en RCA, compte tenu de leur expérience et du fait qu’ils avaient également fait du Zimbabwe à une époque de son histoire, le grenier de l’Afrique australe.

Enfin, la République centrafricaine a un grand intérêt géostratégique pour la communauté internationale : comme évoqué plus haut, le pays est frontalier à la fois du Soudan et du Tchad. A l’Est du Tchad et au Darfour soudanais, sévissent des guerres qui risquent à tout moment de déborder en Centrafrique. Compte tenu de la position centrale du pays, si la guerre y déborde, elle déstabilisera immédiatement toute l’Afrique centrale, en premier lieu ce pays-continent qu’est la République Démocratique du Congo avec lequel nous partageons plus de 1000 kms de frontières. Le Président français Nicolas Sarkozy l’a si bien compris qu’il a fortement bataillé auprès d’une Europe réticente pour mettre en place l’EUFOR[2] le long de la frontière tchado-centrafricaine face au Soudan. Elle sera bientôt remplacée par la Mission des Nations Unies en Centrafrique et au Tchad.

La République centrafricaine est une terre d’avenir et d’espoir pour les pays de l’Afrique centrale et de l’Est, comme futur grenier agro- alimentaire et comme réserve hydrique et énergétique, à condition que le pays connaisse durablement la paix et la bonne stabilité nécessaire, et que la communauté internationale y consacre les investissements nécessaires..


Martin Ziguélé

[1] RCA : République Centrafricaine

[2] EUFOR Tchad/RCA est une opération militaire de transition d’un an, étroitement coordonnée avec la présence multidimensionnelle des Nations-Unies dans l’est Tchadien et le nord-est de la République centrafricaine, afin d’améliorer la sécurité dans ces régions.



* Article publié par l'hebdomadaire africain "Les Afriques" spécialisé dans la finance africaine dans sa parution N°89 du 17 au 23 septembre 2009, en page 21.
Cet article a été initialement publié par la revue "Harvard African Policy Journal" du printemps 2009, édité par le Département d'Administration publique de l'Université de Harvard aux USA.

14/09/2009

Discours

Discours de Monsieur Hervé Nowak à l'occasion de la soirée culturelle organisée à Kremlin-Bicêtre le 5 septembre 2009 par les Associations "Parfum France Afrique "et "Un autre Centrafrique" au profit des écoles de Bangui dont Mme Hélène Boganda en est la Présidente d'honneur

Monsieur le candidat à l’élection présidentielle de la République Centrafricaine,

Messieurs les Ministres de la République Centrafricaine,

Votre Excellence,

Mesdames les Présidentes d’associations « Une autre Centrafrique », « Parfum d’Afrique France » et de « l’IFACé »,

Maître Zo Kwe Zo, Chevalier de l’Ordre National du Mérite Français

Madame la Maire Adjointe chargée de la culture,

Madame la Maire Adjointe Honoraire,

Camarades du Parti Socialiste et du MJS,

Enfin,

Mesdames, Messieurs

Bienvenue au Kremlin-Bicêtre !

Chère Hélène,

C’est avec grand plaisir que le Parti Socialiste que je représente ici en tant que Président de son groupe d’élus, a répondu à ton invitation, d’autant plus que Barthélémy Boganda était très proche du seul président socialiste que la V° République Française est connu, François Mitterrand.

Tu connais notre attachement à ton combat emplie d’une humanité indéniable.

Cette soirée, démontre un peu plus, l’importance que tu attaches à la République Centrafricaine en nous faisant partager ce moment culturel et gastronomique au profit des écoles de Bangui.

Alors, j’irais à l’essentiel pour ne pas vous gâcher cette belle soirée : Tu peux compter sur le soutien du Parti Socialiste du Kremlin-Bicêtre qui dès à présent s’associe à ce projet de soutien aux écoles de Bangui et organisera une collecte auprès de ses camarades.

Nous comptons bien apporter notre modeste pierre à l’édifice, ma chère Hélène, parce que nous voulons œuvrer, toujours, avec ceux qui partagent nos valeurs humanistes et de progrès !

De plus, j’ai une proposition à te faire : En tant que Vice Président de la Fédération Départementale des Elus Socialistes et Républicains du Val de Marne, je ne manquerais pas de défendre les intérêts de ce projet pour Bangui, parce que la coopération décentralisée prend toute sa dimension et son importance, surtout quand il s’agit de construire ou de reconstruire des écoles. Si tu en es d’accord, Hélène, je porterais et défendrais avec toi un projet de coopération décentralisée auprès de nos élus aux instances départementales et régionales au profit des écoles de Bangui. Tu sais pouvoir compter sur moi pour essayer de faire avancer les choses!

En ces temps de crise économique grave qui frappe de plein fouet l’ensemble de la planète, où même les pays les plus riches se retrouvent dans la position de colosses aux pieds d’argiles, le bien le plus précieux que nous devons préserver partout dans le monde est l’éducation de nos enfants, car ils représentent irréfutablement l’avenir de l’humanité.

La coopération entre les pays est une politique essentielle puisqu’elle constitue le progrès de l’humanité toute entière. C’est ensemble, main dans la main, dans la fraternité que nous devons avancer.

Alors sois en assurée, Chère Hélène, plus qu’hier et moins que demain, nous serons bel et bien à vos côtés.

Tu connais mon attachement aux valeurs antiracistes, je crois que la devise et le drapeau créé par le premier président de la république centrafricaine, Barthélemy Boganda, est un exemple parfait de ses valeurs qui doivent rester universelles, et, qui j’en suis sûr traverserons les âges.

Le Drapeau, symbole d’une patrie libérée, traversé par quatre bande qui symbolise les quatre grandes races de l’humanité, elles mêmes traversées par une unique bande rouge qui démontre que c’est le même sang qui coule dans nos veines.

Qu’on soit black, blanc, beur, peut importe, ce qui compte, c’est nous sommes l’humanité il qu’il n’existe pas de sous hommes ! Boganda avait vu juste…

Si le vert et le jaune du drapeau représentent les habitants des forets et de la savane, ils peuvent aussi revêtir un tout autre symbolisme.

Je veux bien sûr parler de ce crime contre l’humanité que fut la colonisation.

Le jaune, pour tout l’or qui a été volé, et le vert pour le bois des forêts, qui a servi à envoyer des dizaines de milliers d’êtres humains aux travaux forcés pour la construction de 500 Km de chemin de fer à vers l’océan.

Cette construction fut si meurtrière que certains historiens ont estimé les pertes humaines à un mort par traverse posée.

Quel lourd tribut payé par un peuple dans l’une des colonisations les plus brutales et meurtrière du continent Africain.

Si certains vantent dans la crétinerie la plus parfaite les bienfaits de la colonisation, si Nicolas Sarkozy pense que « Le drame de l'Afrique, c'est que l'homme africain n'est pas assez entré dans l'Histoire", avait-il dit. », je ne peux que leur réfuter qu’ils s’égarent, et qu’ils s’égarent gravement !

Car quelle histoire pour l’Homme Africain, histoire de tant de richesses culturelles et de ressources naturelles, et malheureusement histoire d’une odieuse traite humaine.

Plus récemment, fait historique d’un descendant de Kényan devenant président de la première puissance mondiale.

En colonisant l’Oubangui-Chari qui deviendra la république centrafricaine, la France a participé au génocide de la moitié de la population, en instaurant un impôt injuste et spoliant, l’impôt indigène, et les travaux forcés.

Et quand on garde le silence dans nos livres d’histoire sur ce crime contre l’humanité, n’est ce pas un deuxième génocide que l’on commet en quelque sorte ?

Alors, j’ai une pensée ce soir pour tous ces esclaves victimes de la traite humaine.

Les centrafricains peuvent être fiers d’en être leur descendant et d’avoir su briser les chaînes, car qui parle de colonisation parle forcément d’indépendance.

Ils peuvent être fiers de l’étoile d’or, étoile du progrès, qui ornent leur étendard, et symbolisent cette indépendance.

Ironie du sort, malgré ce génocide passé, l’Oubangui-Chari fut l’une des premières colonies à se rallier à la France Libre au mois d’Aout 1940 en organisant la résistance extérieure pour repousser hors de France l’envahisseur nazi et sa peste brune. Car les centrafricains savaient bien au fond à quel point la liberté et l’indépendance à laquelle ils aspiraient était essentielle, et nous savons bien à quel point nous sommes éternellement redevables à ceux qui ont fait le choix de la Résistance.

Aussi, en tant que premier des socialistes de cette ville, je ne cesserais de défendre l’instauration d’une journée de commémoration de l’abolition de l’esclavage colonial qui est reconnu comme un crime contre l’humanité, pour que jamais, non plus jamais, les jeunes générations ne puissent commettre les graves erreurs du passé.

60 millions d’africains ont été victime de ce crime contre l’humanité, traités tels des animaux. Ce génocide, nous devons sans cesse le commémorer, sans révisionnisme ni négationnisme, en faisant preuve de la plus grande humilité devant tant de souffrances et de barbarie endurées.

Et si l’on parle de crime, il faudra peut être, un jour, que les grandes puissances planétaires se décident, enfin, à l’indemniser !

C’est pourquoi nous devons rappeler encore et encore aux générations futures qu’il n’existe pas de valeurs plus fondamentales que la liberté, l’égalité et la fraternité.

Que quelles que soient leurs origines ou leur couleur de peau, cela ne compte pas, car la couleur de peau n’est pas ni une barrière ni une frontière, et comme le disait Jaurès, c’est qu’au fond, il n’y a qu’une seule race : l’humanité !

Pour conclure, excuser ma mauvaise prononciation en Sango mais oui « Zo Kwe Zo »

Zo Kwe Zo, un homme vaut un homme. Barthélemy Boganda nous l’a enseigné.

Fils d’une esclave qui fut battue à mort par les colons, il ne courbât jamais l’échine et fut un orateur brillant sur les bancs du lieu le plus important de la République Française : l’Assemblée Nationale.

Pour son patriotisme et pour faire de la Centrafrique une nation libre, unie, portant des valeurs universelles de dignité humaine, il en paiera finalement le prix le plus lourd, le prix de sa vie.

Je tenais respectueusement à rendre hommage à celui « qui est ailleurs et nulle part » (Gboganda) et qui est considéré comme le père de la nation centrafricaine.

Tout comme lui je rêve d’un monde meilleur, où Tous les Hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit.

Alors si ce soir on se la jouait fraternel ?

Je vous remercie et vous souhaite une excellente soirée dans cette belle salle du Kremlin-Bicêtre, ville fraternelle et solidaire !